Savoir jouer du piano n’est pas donné à tout le monde. Il
faut déjà disposer du matériel, celui-là même qui a failli vous coûter la vie
lors d’un déménagement au rabais, et je sais de quoi je parle… Cela demande aussi
un travail quotidien en plus d’une sérénité absolue, deux qualités que je peine
encore à maîtriser à l’image de mon homologue Thomas Seyr, auquel je ne prétends bien évidemment pas me comparer.
Thomas est sanguin, je le suis aussi mais pas au même degré.
Mes amis ne m’ont par exemple jamais vu tabasser des réfugiés sans domicile fixe
ou balancer des rats dans des immeubles squattés par des assos pour faire des
quartiers pauvres de Paname un Monopoly à taille réelle. On achète une vieille
bâtisse pour une bouchée de pain, on la revend le triple une fois le « ménage »
opéré. Une technique vieille comme le monde dont Thomas a d’ailleurs hérité de
son père, la violence urbaine en plus.
Et puis, il y a l’autre facette de Thomas, le musicien raté,
bien décidé à se remettre au piano qu’il avait abandonné depuis le décès de sa
mère, une discipline dans laquelle il excellait selon les dires de son ancien
professeur qui va même jusqu’à lui proposer une audition. Le challenge est de
taille pour le Stephane Plaza des sous quartiers de Paris, mais l’occasion de
renouer avec son passé, et plus particulièrement avec sa mère est une
opportunité qu’il ne peut pas refuser. C’est donc malgré les réticences et les
moqueries de son entourage que Thomas va se replonger dans la musique bien
secondé par Miao Lin, une pianiste chinoise de talent n’alignant pourtant pas deux
mots de français et donnant ses quelques cours au black dans un vieux T2 du fin
fond de Paris.
De battre mon cœur s’est arrêté est le film qui m’a fait
découvrir l’univers de Jacques Audiard comme bon nombre de cinéphiles de l’hexagone.
Un cinéma poignant, loin des clichés du quotidien et criant de vérité. Un
cinéma coup de poing, qui vous balance un uppercut là où ça fait mal et quand
on ne s’y attend pas ! Rien que le titre du film vous coupe le souffle. Un
morceau de poésie qui cache en fait un personnage déchiré par la vie, aussi attachant
que détestable mais que je vous conseille de toujours garder comme allié.
La performance de Romain Duris est juste incroyable !
Son talent n’est bien entendu plus à prouver depuis longtemps mais Jacques Audiard semble l’avoir révélé
comme personne avant lui. Un personnage
entier, lunatique et qui partage sans le vouloir avec son spectateur ses
angoisses les plus profondes.
Mes amis le savent, le cinéma français m’a souvent déçu mais
quand je vois des films comme celui-ci, je me dis qu’il y a encore du bon chez
nous et que l’exception culturelle française ne s’arrête pas aux chtits ou aux
performances en noir et blanc d’un ancien comédien projeté sur le devant de la
scène au bon moment, bien aidé par un plan marketing aux petits oignons. Les œuvres
suivantes du réalisateur en sont d’ailleurs la parfaite illustration et je ne
saurai vous conseiller de vous pencher sur sa filmographie si ça n’était pas
déjà fait. Reste juste à savoir si vous aurez les épaules pour le supporter…
Extrait musical
2 commentaires:
Ravie de te lire à nouveau. Surtout avec ce film là...
Merci L.
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